Les israéliens veulent faire disparaître le village de Lifta, dernier vestige encore debout de ce que les Palestiniens appellent « la catastrophe » qui vit l’expulsion d’Israël de 750.000 d’entre eux en 1947/ 1948. A la place, un futur complexe immobilier serait composé de plus de 200 luxueux appartements et d’un hôtel. Cette démolition serait une erreur. Elle serait ressentie comme une provocation, une de plus, par les Palestiniens. Les Israéliens s’obstinent dans un déni de cette catastrophe estimant que « la création de l’Etat d’Israël ne peut être assimilée à une tragédie ». Admettre cette catastrophe, cela impliquerait une injustice commise envers les Palestiniens. Pourtant, c’est quoi la Palestine ? Géographiquement la Palestine historique comprend l’Israël actuel avec les territoires palestiniens occupés de la Cisjordanie et de Gaza. Occupé depuis dAes siècles par une population arabe de confession musulmane, chrétienne et juive, ce territoire fut choisi par le mouvement sioniste comme patrie pour tous les juifs persécutés en Europe, choix auquel l’Holocauste donna un argument de poids.
Le drame de ce choix, c’est que la Palestine n’était pas un pays « sans peuple » selon les termes du slogan sioniste. Aussi la création d’Israël, en 1948, qui força à l’exode le peuple palestinien, fut ressentie par lui comme une injustice absolue qui l’empêchait de reconnaître le fait accompli et par les pays arabes limitrophes, pris par le rêve de l’unité, comme une tentative de briser à jamais le projet d’intégration et de modernisation.
Deux logiques s’opposent et mobilisent des stratégies internationales contradictoires. Les différents pas faits dans le sens de la reconnaissance : voyage de Sadate en Israël, reconnaissance accordée à Israël par certains pays arabes et l’OLP, restitution du Sinaï, reconnaissance de l’Autorité palestinienne par Israël… sont en panne actuellement à cause du refus israélien de reconnaître aux palestiniens le droit à l’autodétermination et pas seulement à une administration civile.
Aujourd’hui, il y a d’un côté un Israël et de l’autre une Palestine, mais sans frontières précises. Israël étant reconnu par les palestiniens et un certain nombre de pays arabes, il manque la reconnaissance de la Palestine par Israël qui ouvrirait la voix à une paix globale y compris avec les pays voisins. Seules cette reconnaissance pourrait faire évoluer les sociétés arabes et israéliennes et les préparer à une intégration régionale où le principe de l’Etat ne serait plus l’ethnie ou la religion, mais la citoyenneté, dans la démocratie et le pluralisme. De nombreux problèmes demeurent pour les palestiniens qui demandent l’arrêt total de la colonisation juive en Cisjordanie et à Jérusalem-est alors que le gouvernement israélien vient d’autoriser la construction de 1520 nouveaux logements dans la partie orientale de la Ville sainte. De leur côté, les israéliens exigent toujours que Jérusalem demeure la capitale souveraine et unifiée d’Israël et réaffirme que le problème des réfugiés qui veulent revenir en Palestine doit être résolu exclusivement à l’intérieur d’un futur Etat palestinien.
C’est pour cela que la prise de position de Barack Obama le 19 mai à Washington, qui prône un Etat palestinien dans les frontières de 1967 est une position courageuse. Dans ce contexte, Lifta, situé aux portes de Jérusalem est pour les israéliens un symbole dérangeant car il reste le seul témoignage physique du conflit de 1948 qu’ils appellent « la guerre d’indépendance » alors que pour les palestiniens ce conflit évoque la fuite, l’expulsion et l’exil pour 750.000 d’entre eux.