Il y a douze ans, l’Association pour la Taxation des Transactions financières pour l’Aide aux Citoyens (ATTAC) adoptait l’idée d’une taxe Tobin, du nom du Prix Nobel d’économie en 1981, qui la proposait déjà dès 1972 pour stabiliser le système financier international. Cette proposition d’ATTAC, en plus de participer à la lutte contre les crises financières, devait aussi servir à aider les pays en développement.
Douze ans après, cette idée devient un projet de directive proposé au Conseil européen par le Président de la Commission européenne.
Belle victoire pour ATTAC ! Mais cela d’abord est loin d’être fait. Elle n’est prévue que pour 2014 et elle ne fait pas l’unanimité au sein de l’UE : l’Angleterre s’y oppose déjà. De plus, l’objectif de la commission sur l’utilisation des fonds récoltés, estimés à plusieurs dizaines de milliards d’euros, est avant tout d’alimenter le budget de l’Union européenne pour combler les déficits des Etat membres et renflouer une nouvelle fois les banques, en donnant l’impression, dans ce nouveau sauvetage, de mettre la finance à contribution. La proposition d’ATTAC : financer la lutte contre la pauvreté en Europe et ailleurs, contre les épidémies et le réchauffement climatique et amorcer la transition écologique de l’énergie, est complètement dénaturée.
Si ATTAC avait raison il y a douze ans, il serait peut être bon que nos politiques n’attendent pas douze ans de plus pour que ses propositions actuelles soient prises en considération : démantèlement des plus grosses banques, contrôle de flux des capitaux, interdictions des transactions de gré à gré, stricte limitation des marchés de produits dérivés à leur valeur nominale, surtout sur les marchés de produits alimentaires, socialisation du secteur bancaire, réforme de la Banque centrale européenne pour qu’elle puisse financer directement les Etats, etc.
Il est de plus dommage que l’ampleur de la proposition de la commission européenne soit limitée par l’exclusion de la taxation des transactions sur le marché des changes, entre l’euro et d’autres devises, marché qui représente près de la moitié des transactions financières journalières dans le monde. Alors que les dettes publiques et la crise de l’euro, loin de résulter d’un excès de dépenses, proviennent de la crise financière et des cadeaux fiscaux consentis depuis vingt ans aux privilégiés, cette taxe, qui arrive si tard, ne suffira pas à redistribuer les richesse à la hauteur des nécessités actuelles.
Comme le confirme ATTAC : il y a dix ans, même pour une taxe Tobin seulement européenne, nous aurions crié victoire pour une telle avancée. Aujourd’hui elle vient trop tard, avec une approche trop limitée et une utilisation détournée qui lui enlève le côté social de son objectif.