Dieudonné a un fond de commerce, il « bouffe » du juif. Ce qui est surprenant dans cette affaire, c’est qu’il est loin d’être seul vu le nombre de clients qui viennent voir son spectacle. Cela n’est pas nouveau. L’affaire Dreyfus est toujours dans les esprits. Le juif a depuis longtemps été caricaturé. C’est du racisme et le Français est raciste. Il l’a été avec les africains d’où l’esclavage et la traite des noirs et malgré son abolition par Schoelcher en 1848 beaucoup de Français restent racistes à leur égard. Ce racisme agit aussi contre les arabes, contre les musulmans. Ce qui fait aussi le fond de commerce de l’extrême droite. D’ailleurs ces deux fonds de commerce se rejoignent : l’un est politique ; il cherche des voix, l’autre est commercial : il cherche des clients.
Ces systèmes sont critiquables lorsqu’ils s’appuient sur ce qu’il y a de plus abjecte dans le comportement humain : la haine de l’autre. Si vous n’aimez pas quelqu’un pour une raison ou pour une autre et que vous rencontrez quelqu’un qui est comme vous à l’égard de cette personne, ce quelqu’un vous est plutôt sympathique, c’est un loi bien connue : l’ennemi de mon ennemi est mon ami. C’est la base de la clientèle de Dieudonné. Et c’est pourquoi dans cette clientèle on trouve beaucoup de musulmans et d’arabes de tout bord. On doit avoir le droit de critiquer, mais ce droit doit s’exercer avec justice, c’est à dire être toléré pour celui qui critique mais aussi pour celui qui est critiqué. Le raciste accepte qu’on critique celui qu’il n’aime pas, mais refuse qu’on le fasse pour les autres. Il y a l’antisémitisme comme il y a l’antiarabe, l’antiasiatique. En fin de compte, on est contre ce que nous ne sommes pas. C’est la xénophobie. C’est l’intolérance. Comme on trouve toujours quelqu’un pour accepter cette ségrégation, ceux qui l’exploitent y trouvent leur fond de commerce. Dieudonné a trouvé le sien. Ya-t-il des limites dans cette exploitation ? Il y a la loi. D’abord la loi devant l’impôt. Si Dieudonné s’est arrangé pour ne pas payer d’impôts en se rendant insolvable, la loi doit le contraindre et sans faiblesse. Ensuite le respect d’autrui. Si on insulte quelqu’un la loi permet à l’insulté de se défendre, et elle doit s’exercer sans faiblesse. Le problème de Dieudonné, c’est qu’il veut faire rire de son antisémitisme et le faire à chacune de ses représentations. C’est une monoculture dificile pour se renouveler. Les bavures sont alors possibles. La surveillance de celles-ci est difficile. Faut-il aller jusqu’à interdire ses spectacles ? Je ne le crois pas. Encore une fois, l’application de la loi dans toutes sa rigueur à son égard et à l’égard de tous ceux qui en font autant me paraît suffisant. Il faut dénoncer la haine, le racisme, la xénophobie, les attaques de toute communauté, de l’intolérance et le faire de quelque endroit qu’elle se produit avec autant de discernement, sans faiblesse, sans préférence, sans sympathie marquée pour certain et pas pour d’autres. C’est ainsi que l’on pourra faire évoluer les mœurs. Pas en imposant une morale, une éthique. C’est à chacun d’entre nous, en conscience, de donner sa limite aux abus, à sa liberté qui s’arrête là où commence celle de l’autre. Le respect d’autrui doit amener plus de fraternité, la moins reconnue de notre devise nationale.